Lucas : "Manaudou sera la reine à Pékin"
Philippe Lucas, l'ancien coach de Laure Manaudou, sort aujourd'hui un livre. Sorte de journal intime, le récit du directeur sportif de Canet-en-Roussillon, en charge du secteur élite du club catalan, prend parfois des allures de règlements de compte. Visés : le président Francis Luyce et le DTN Claude Fauquet.
Pourquoi ce livre, maintenant ?
C'est une opportunité qui s'est présentée fin mai, même si depuis longtemps on me proposait de faire un bouquin. J'ai toutefois hésité. Cela prend du temps si on veut le faire correctement. Et puis, c'est difficile de raconter sa vie. Mais j'avais envie de casser l'image médiatique qui me colle à la peau. Certes, je suis quelqu'un d'exigeant, de pas facile à vivre dans le boulot, mais je suis aussi humain, généreux.
Vous êtes-vous censuré ?
Non je parle de tout. De mon père, à qui je rends hommage et qui m'a permis d'être ce que je suis aujourd'hui, de mes rapports avec la fédération. J'explique aussi les dessous d'une préparation, Laure, les difficultés à gérer une compétition. Et puis, si ce livre peut aider des gamins, donner des idées, je serais ravi. Car il prouve qu'on peut vivre de sa passion du sport.
En vous lisant, on peut s'étonner de votre agressivité vis-à-vis de la Fédération. N'êtes-vous pas excessif ?
Je dis ce que j'ai vécu. Pour des gens qui travaillent comme moi dans des clubs, c'est très difficile. Un moment, il faut dire les choses, la vérité. Je n'ai pas de problème avec la Fédération. Je m'entends très bien avec le staff des entraîneurs, l'équipe médicale, les élus. J'ai seulement un problème avec le président Luyce et le directeur technique national Claude Fauquet, que je n'apprécie pas. A partir de là, si demain il y a un autre président, un autre DTN...
Est-ce à dire que si demain on vous propose un poste d'entraîneur national, vous dites oui ?
Non, car ma conception de la natation n'est pas celle de la Fédération. J'ai proposé une fois des choses en 2004. Je n'ai pas eu de retour. Maintenant, ce qui est important pour moi, c'est Canet où je me sens bien avec ma famille, et où j'ai une bonne qualité de travail. C'est aussi d'avoir les mains libres pour lancer ma structure, un peu à l'image de celle de l'académie de tennis de Nick Bollettieri. Trouver des partenaires pour mon projet. Je n'ai donc pas envie d'être dans un système fédéral. Et au niveau salaire, la Fédération c'est inintéressant.
Êtes-vous déjà dans les JO de Pékin ?
Actuellement, en France, on prépare la qualification olympique, qui se déroulera en avril. Toutefois, avec certains de mes nageurs étrangers on est déjà dans la préparation des Jeux.
Quand on a déjà glané des médailles olympiques, est-ce qu'on modifie sa façon d'entraîner ?
Non, mais ça vous change un peu, même si j'entraîne toujours comme je sens. Vous devenez peut-être plus ambitieux, pour revivre ces grands moments. Quand on a goûté au caviar, on ne se fait pas prier pour en reprendre. Je suis donc resté le même entraîneur. J'étais préparé. J'avais déjà eu des nageuses qui avaient fait des choses. Je savais à quoi m'attendre. Pour Laure, cela a certainement été différent, même si pour son âge, elle a bien géré la nouvelle situation. Elle était très jeune pour porter ce titre de star des Jeux, affronter tous les requins qui se sont manifestés. C'est pour ça qu'il faut être bien entouré.
Quelles sont aujourd'hui vous relations avec Laure Manoudou ?
On se revoit. Elle nage toujours pour Canet. Quand il y a des compétitions, cela se passe bien.
Avez-vous pardonné ?
On ne pardonne jamais rien. Mais il faut être intelligent et vivre avec le présent. Désormais, j'ai d'autres objectifs.
Qu'avez-vous pensé des photos qui ont circulé sur internet ?
Rien, même si je n'ai pas été surpris. Elles traînaient depuis longtemps. On se doutait qu'elles sortiraient un jour ou l'autre.
Que pensez-vous de la peopolisation des sportifs ?
Ce n'est pas l'athlète qui demande à être mis en lumière. Je sais que Laure n'aime pas ca. Certes, elle se plie à certaines séances mais elle est sous contrat. Je suis sûr qu'elle préférerait être tranquille, sans cette "mediapeople" derrière elle.
Pour vous, les Jeux de Pékin seront-ils ceux de Laure ?
Aujourd'hui, elle a le travail derrière elle. Elle a l'expérience. Elle est plus vieille. Elle est plus mature. Et puis c'est la meilleure nageuse au monde. Donc, s'il n'y pas de blessure ou d'histoire à la con, elle sera la reine de Pékin.
Recueilli par Zoé Cadiot
"Entraineur", de Philippe Lucas; Editions Michel Lafon. 260 pages. 18 euros.